15 août 2010
Jean-Claude Guillebaud revient sur la forêt landaise.
Dans l’édition du 15 août de Sud-Ouest-Dimanche, Jean-Claude Guillebaud apporte quelques retouches à sa chronique du 1er août.
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Lisons les deux chroniques :
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On peut aussi lire directement ces deux chroniques sur le site de Sud-Ouest aux adresses suivantes :
1) Une tempête très silencieuse : http://www.sudouest.fr/2010/08/01/une-tempete-tres-silencieuse-151399-4723.php
2) Retour en forêt : http://www.sudouest.fr/2010/08/15/retour-en-foret-161391-4723.php
Merci, Monsieur Guillebaud, de vous intéresser à ce qui fut une belle forêt et qui, n’en doutons pas, peut se relever si nous le voulons bien !
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Voici le message que je m’étais permis d’adresser à Monsieur Guillebaud le premier août, dès la parution de sa première chronique :
« Cher Monsieur,
J’ai lu avec intérêt votre chronique d’aujourd’hui dans Sud-Ouest Dimanche (« Paris-Province – Une tempête très silencieuse« ). Heureux de trouver enfin un journaliste abordant le sujet de la forêt, je souhaiterais cependant vous faire part de quelques observations personnelles. Il est exact que la pauvre forêt landaise est actuellement dans un état très préoccupant, dû notamment à l’enchaînement des catastrophes comme vous l’évoquez :
- crise économique
- ouragan Klaus
- marché du bois perverti
- grave pullulation de chenilles processionnaires
- grave manque de pluies printanières
- grave attaque de sténographes
Tout cela est exact et, dans l’attente des incertaines suites, la forêt, actuellement, en est à ce stade désolant que vous décrivez.
Toutefois, ce n’est pas une « belle » forêt qui a été mise à terre. Rien ne sert de pleurer le patrimoine landais de nos rêves, car la forêt traditionnelle a cessé d’exister depuis plusieurs décennies : depuis l’arrivée progressive, mais massive, de la mécanisation à outrance. La forêt landaise que vous regrettez a disparu peu à peu dans la deuxième moitié du XXème siècle. Elle a été remplacée par un système où règne la monoculture stricte du pin, et inspiré des pratiques agricoles hyper-intensives. C’est une approche où les écosystèmes sont méprisés, où la biologie végétale doit se plier aux besoins des tracteurs, où les sols sont régulièrement perturbés en profondeur, où on passe sur les racines des arbres des engins tranchants, où on coupe les pins longtemps avant leur maturité, où leur vente est parfois inférieure à leur coût de production, etc..
Les résultats de cette monoculture intensive sont déplorables, notamment en ce qui concerne le paysage. Ce qui est par terre aujourd’hui, ce n’est pas une forêt, et encore moins la forêt landaise de nos souvenirs. Même si la légende survit à la réalité, ce n’est pas la « civilisation landaise« , ce n’est pas « l’un des plus beaux massifs forestiers d’Europe« , ce n’est pas du tout la « sylve monumentale qu’affectionnait François Mauriac« , mais ce sont de vulgaires champs d’arbres tordus et boursoufflés, des lignes de pins à croissance forcée, de mauvaise qualité technologique, et où le moindre feuillu est exterminé.
Ce qui est exact, c’est que c’est bien une « tragédie« , mais c’est nous-mêmes – nous, les forestiers – qui avons amené cette tragédie. Nous n’avons pas su voir venir les dangers de l’intensification, nous n’avons pas voulu acquérir une formation professionnelle de bon niveau, nous avons été fascinés par l’arrivée des tracteurs, et par l’illusion que l’augmentation de la productivité résoudrait tout. Si nous ne regardons pas où nous mettons les pieds, si nous ne voulons pas changer nos pratiques, c’est notre propre faute.
On pourrait élargir le sujet et dire bien des choses encore, évoquer l’industrie lourde, le sort des producteurs de bois, le rôle des organismes forestiers, la censure des petites voix… On pourrait, par exemple, montrer les analogies entre les « affaires » de la filière du bois, et les « péripéties » de l’affaire Bettencourt… Les affaires ! Il me semble que, dans une précédente chronique, vous critiquiez la dictature aveugle et inhumaine de la finance. Elle est partout !
Bien cordialement,
Jacques Hazera
Expert Forestier
P.S. – Petite rectification : le second grand ouragan n’a pas eu lieu en 2004, mais en 2009 (ouragan Klaus, du 24 janvier 2009).»
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