La petite cistude avait entrepris de traverser la route. C’est toujours mieux de l’autre côté. Dans sa petite auto passait un homme. L’homme stoppa son petit bolide, recueillit la tortue, et l’embarqua à ses côtés.
De retour chez lui, l’homme posa délicatement sa compagne sur la belle herbe verte de son petit jardin frais. La tortue explora ce bel eden en longeant la clôture, espérant le quitter, mais ses épaules trop larges et trop rigides l’empêchaient de passer entre les barreaux. Après trois tours, elle se morfondit.
Sans espoir de retour vers son petit Liré elle enfouit tête et pattes et s’en fut dans ses songes. L’homme en était marri, il se dit que peut-être, un peu plus loin, à l’ombre, dans le carré des simples ou dans les herbes folles… mais la cistude s’y ennuya aussi.
Au matin le pauvre homme s’était résolu à la libérer. Il l’emmena au bord du petit ruisseau, juste dans la petite coulée où les chevreuils viennent boire avant de traverser. La cistude ouvrit les narines, ouvrit l’oreille, ouvrit l’œil, devina le petit filet d’eau, sortit ses pattes, et se coula vers l’eau. Elle y plongea, puis rampa sur le fond, chahutée par le petit courant. Elle s’ébatait. Rendue sur l’autre rive, elle se mit en chasse, peut-être quelques œufs, quelques larves, un moustique par-ci, une autre proie par-là ? Remontant le courant, sous l’eau, elle s’activait, au rythme où s’activent les tortues.
Asseyez-vous un peu sur le banc qui est là. Peut-être un jour ou l’autre pourrez-vous deviner dans l’eau claire et tranquille comme un petit clin d’œil.