Le numéro 117 de Forêt-Mail apporte,
comme bien souvent,
une quantité d’informations intéressantes.
Il s’agit en général de la synthèse d’études réalisées
par des chercheurs Européens sur la sylviculture, sur les écosystèmes,
sur la biologie végétale, ou sur bien d’autres sujets.
Je m’en suis déjà plusieurs fois fait l’écho ici-même, dans Pijouls.com.
Pour accéder directement au site de Forêt-Mail :
http://www.foretwallonne.be/index.php/foret-mail/dernier-numero
–
Voici quatre nouveaux articles, qui apportent des confirmations
à plusieurs de nos propres points de vue ou de nos hypothèses :
–
1) La restauration des forêts après tempête grâce à la culture d’abri [1383]
Le rétablissement rapide des forêts suite à de grandes perturbations est considéré comme une action importante dans le contexte du changement climatique. L’utilisation d’essences pionnières telles que le bouleau et le peuplier en culture d’abri sur des sites perturbés peut faciliter la mise en place d’essences cibles et peut également augmenter la productivité et la fertilité des sols.
Dans une étude réalisée en Rhénanie-Palatinat, la productivité et le cycle des éléments nutritifs ont été comparés dans deux types de peuplements : avec ou sans la présence d’espèces pionnières, les essences-objectif à terme étant le chêne pédonculé et le chêne sessile.
Les résultats de simulation pour une rotation complète de chênes (180 ans) ont indiqué que les deux types de peuplements, avec et sans culture d’abri, ont une productivité totale comparable. Cependant, dans les peuplements bénéficiant de la culture d’abri, une quantité importante de biomasse est déjà exploitable après 20 ans, alors que la première récolte de biomasse dans le peuplement sans culture d’abri se produirait au moins 30 ans plus tard. De plus, les peuplements à culture d’abri présenteraient une capacité d’échange cationique bien supérieure dans le sol superficiel (0-30 cm), ceci étant surement dû à la réduction du lessivage grâce à la culture d’abri.
Ces résultats montrent que le rétablissement de la forêt en présence d’essences pionnières peut constituer un outil favorable pour la reprise rapide de la productivité forestière ainsi que l’atténuation des perturbations tout en aidant à maintenir ou à augmenter la fertilité du sol. [C.S.]
Stark H., Nothdurft A., Block J., Bauhus J. [2015]. Forest restoration with Betula ssp. and Populus ssp. nurse crops increases productivity and soil fertility. Forest Ecology and Management 339 : 57-70 (14 p., 10 fig., 119 réf.).
–
2) Les systèmes racinaires sont surtout opportunistes [1384]
La structure et le développement du système racinaire des arbres sont très difficiles à apprécier et peu connus en conditions naturelles à cause de l’hétérogénéité des sols et de la difficulté d’extraire des systèmes racinaires d’arbres matures sans les endommager.
Cette étude tente de mieux comprendre la plasticité du développement du système racinaire par rapport à des paramètres biologiques et physiques : l’espèce, l’âge et la taille de l’arbre, le matériel pédologique, la disponibilité en eau, la pente et le climat.
243 arbres matures de douze espèces différentes ont été déracinés. Ces arbres étaient présents sur des digues en France. La structure du système racinaire (nombre et taille des racines, envergure, profondeur et volume du système racinaire) a été comparée entre deux sols : l’un composé de matériaux grossiers et l’autre de matériaux fins.
L’espèce de l’arbre a peu d’influence sur la structure du système racinaire : tous les types de systèmes racinaires et les tailles de racines peuvent être trouvés pour la plupart des essences en fonction des conditions de la station. Le système racinaire en forme de cœur est limité aux matériaux fins alors que les systèmes racinaires mixtes et pivotants sont plutôt trouvés dans les matériaux grossiers.
Dans les matériaux grossiers, les arbres développent peu de racines mais plus grosses (plus de 5 cm en diamètre et plus de 4 mètres de long). Dans les matériaux fins, les systèmes racinaires ont trois fois plus de racines mais elles sont 40 % plus petites et plus courtes. Les racines sont 20 % plus nombreuses et 65 % plus grandes dans le bas de la pente grâce à la disponibilité en eau de la digue ou de la berge.
La structure du système racinaire est surtout influencé par le matériel du sol et la disponibilité en eau et beaucoup moins par l’espèce d’arbre. Les systèmes racinaires ont un développement opportuniste dans la direction où l’eau et les éléments minéraux sont abondants : quel que soit l’espèce, prédire la dimension et la structure du système racinaire requière une investigation approfondie du sol et des autres conditions environnementales. [C.H.]
Zanetti C., Vennetier M., Mériaux p., Provansal M. [2015]. Plasticity of tree root system structure in contrasting soil materials and environmental conditions. Plant and Soil 387 : 21-35 (15 p., 6 fig., 6 tab., 55 réf.).
–
3) La résilience des forêts anciennes est plus grande que celle des forêts récentes [1385]
Il est amplement prouvé que les forêts anciennes par opposition aux boisements sur terres agricoles diffèrent au niveau du fonctionnement de l’écosystème et des services tels que la séquestration du carbone, le cycle des nutriments et la biodiversité. Cependant, aucune étude n’a encore été menée sur les impacts à long terme (plus de 100 ans) de la continuité écologique des peuplements forestiers sur la croissance des arbres.
Dans cette étude menée dans le Nord-Ouest de l’Allemagne (Lüneburg Heath), la largeur des cernes de 250 chêne sessile adultes a été analysée. Les différents arbres de l’échantillon étaient présents sur des sites dont l’historique d’occupation du sol variait (forêts anciennes, boisement sur terres agricoles et boisement sur landes). La relation entre les modèles de croissance et les paramètres climatiques (température, précipitations) a également été analysée.
Les résultats ont montré que les cernes formés entre 1896 et 2005 étaient les plus larges sur terres agricoles, ce qui est sans doute dû à la plus grande disponibilité en azote et en phosphore. Cette constatation indique que la fertilisation ancienne peut continuer à affecter l’état nutritionnel des sols forestiers plus d’un siècle après que ces activités aient cessées. En outre, ces arbres ont réagi plus fortement aux perturbations climatiques, comme le montre une sensibilité moyenne plus élevée des largeurs des cernes que chez les arbres de forêts anciennes. Les auteurs supposent que les horizons d’humus incomplètement développés ainsi que les différences dans l’édaphon (l’ensemble des organismes vivant dans le sol) sont responsables de la réponse plus sensible de chênes des forêts récentes aux variations des conditions environnementales.
Les auteurs concluent que les forêts caractérisées par une longue continuité écologique peuvent être mieux adaptées au changement climatique que les écosystèmes forestiers récents. [C.S.]
Von Oheimb G., Härdtle W., Eckstein D., Engelke H.H., Hehnke T., Wagner B., Fichtner A. [2014]. Does forest continuity enhance the resilience of trees to environmental change ? Plos One, DOI : 10.1371/journal.pone.0113507 (18 p., 2 fig., 4 tab, 71 réf.).
–
4) Les grains de pollen s’envolent plus loin qu’on ne le pense [1389]
Au cours des dix dernières années, l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) en Suisse a mené des tests de paternité auprès de diverses espèces d’arbres indigènes. À l’aide de méthodes génétiques et statistiques, il est possible de déterminer quel arbre a fécondé telle ou telle graine d’un arbre mère dans ce peuplement, ou de constater qu’aucun des arbres du peuplement ne peut être l’arbre père. Une des informations clés qui en ressort est la distance de fécondation par le pollen. Deux exemples sont analysés de plus près dans l’article : le chêne (pédonculé et sessile) et le poirier sauvage.
Les principaux résultats de l’étude révèlent que les grains de pollen s’envolent loin et qu’il existe un mélange génétique important en forêt. Les petits peuplements sont rarement isolés sur le plan génétique et les graines des peuplements semenciers sont rarement pures comme on le supposait.
Un des principaux avantages est que de nombreux arbres participent à la régénération d’un peuplement et la diversité biologique et la capacité d’adaptation des arbres sont conservées sur les surfaces rajeunies naturellement. Par contre, un des inconvénients est l’hybridation potentielle en cas d’introduction d’espèces exotiques si celles-ci sont en mesure de se reproduire avec des espèces indigènes. [C.S.]
Holderegger R., Bolliger M., Gugerli F. (2015). Jusqu’où les graines de pollen s’envolent-ils ? La Forêt 68(2) : 17-19 (3 p., 5 fig., 3 réf.).
–
–
–
–
–
–
–